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Passion

nom féminin

(bas latin passio, -onis)

État affectif intense et irraisonné qui domine quelqu'un

Mouvement affectif très vif qui s'empare de quelqu'un en lui faisant prendre parti violemment pour ou contre quelque chose, quelqu'un

 

Amour considéré comme une inclination irrésistible et violente

Penchant vif et persistant

Ce qui est l'objet de ce penchant

 

Dans la philosophie scolastique et classique, ce qui est subi par quelqu'un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi, par opposition à l'action.

 

Récit hagiographique des épreuves des martyrs, dont on faisait lecture au service liturgique à l'anniversaire de leur mort.

 

Composition musicale inspirée par la passion du Christ.

 

Au XVe s., mystère représentant la passion de Jésus-Christ.

Une idée qui flétrit

Une création commence par une idée. Pour moi cette idée est lumineuse, chaude et excitante. Elle m'inspire dans tous les sens. Je lis, j'écoute de la musique, je vois des films ou des spectacles et je nourris mon idée le plus possible. Je la soigne et je la fais grandir. L'idée devient ma passion. Elle est omniprésente et me rend heureuse. La créativité trace sa route et je suis le chemin qui se libère sous mes pieds. C'est une période enrichissante qui me donne toutes les raisons de croire que je suis au bon endroit, que j'ai quelque chose d'important à partager avec ce monde. Pour nourrir mon idée, je partage avec mon entourage mes réflexions en espérant qu'il adhèrent à cette belle chose naissante. J'attends que mon idée plaise autant que j'aimerais plaire à mon entourage. Cette confrontation de mon idée avec le monde fait apparaître des failles. Je perçois des premières problématiques : comment formuler mon idée pour la transmettre correctement aux autres ? Comment faire transparaître à la fois de la sensibilité et une réflexion fondée. Citer des penseurs ne suffit pas. Partager mon intime ne suffit pas. Le doute s'installe à côté de mon idée et lui prend de plus en plus de luminosité. C'est comme si toute mon énergie se consommait dans le doute et qu'il n'en restait plus assez pour alimenter l'idée. L'idée perd tellement de sa matérialité qu'il n'en reste plus qu'une ombre. Une ombre que j'essaie de suivre sans que j'aie les moyens de l'attraper afin de lui rendre corps.

J'écris ce site pour parler de passion alors que je l'ai perdue. Elle m'a échappée. La passion était mon idée chaleureuse et battante. Si je ne sens plus que du doute, je me demande si cela vaut la peine de poursuivre mon idée. Je me demande si elle n'a peut-être pas changé de visage, d'apparence ? Faudrait-il lui trouver un nouveau nom ? Je dis que je veux laisser derrière moi mon grand besoin de maîtrise et cela m'amène à questionner le tout : qu'est-ce qu'il me reste ? Concrètement j'ai quelques certitudes : je suis toujours là avec un corps, qui a froid, qui reçoit de petites gouttes de pluie sur les mains qui écrivent ce texte. J'ai toujours la capacité de m'émouvoir, de pleurer en écoutant le morceaux qui se trouve juste dans la colonne de droite. Il me reste la certitude que j'ai traversé ce master tout en avouant ce qui est fragile et mélancolique en moi. J'ai l'impression que mon travail de création commence par une fleur splendide et rayonnante. Une fleur que j'aimerais montrer autour de moi, fièrement. Mais au fil du temps la fleur, que j'ai cueillie et enlevée de son entourage naturel, perd sa beauté, sa force, sa tenue et commence à flétrir. J'ai en main la trace d'une fleur, un corps sec et sans vie.

Et il me reste une question : que va-t-il y avoir après ?

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La citation de Roland Barthes sur votre droite expose l'idée comme une jouissance. Cette image me plaît et correspond à mon expérience. Je voudrais même pousser la réflexion plus loin et comparer le moment qui suit la naissance d'une idée avec le relâchement qui suit un orgasme. Cette sensation d'une idée qui flétrit me rappelle la dépression post-coïtale. Comme Barthes le dit par rapport à une photo, une idée donne l'illusion de "comprendre" l'entièreté d'un sujet de réflexion. Sauf l'instant d'après, lorsque l'idée rencontre la réalité, le temps qui passe, le besoin d'explication; la jouissance se transforme en impression plus ou moins saturée, emplie ou frustrée. Ce qui est frustrant c'est de devoir faire à nouveau des efforts pour retrouver cet état jouissif de l'idée en pleine floraison.

Il me semble que je dois accepter de vivre sans avoir tout le temps un sentiment de climax.

Aria / Matthäus Passion - Johann Sebastian Bach
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Roland Barthes se cite lui-même dans son ouvrage en parlant de l'idée comme une jouissance.

Roland Barthes par Roland Barthes, Ed du Seuil, 1975.

p.124

Et pourtant (malice fréquente de toute accusation sociale) qu'est-ce qu'une idée pour lui, sinon un empourprement de plaisir ? "L'abstraction n'est nullement contraire à la sensualité" (My, 803, I, Michelet). Même dans sa phase structuraliste, où la tâche essentielle était de décrire l'intelligible humain, il a toujours associé l'activité intellectuelle à une jouissance : le panorama, par exemple - ce qu'on voit de la tour Eiffel (TE, 536, II) -, est un objet à la fois intellectif et heureux : il libère le corps dans le moment même où il lui donne l'illusion de "comprendre" le champ de son regard.

Citations

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