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Expression

nom féminin

(bas latin expressio, -onis, du latin classique exprimere, exprimer)

Action d'exprimer quelque chose, de le communiquer à autrui par la parole, le geste, la physionomie, etc.

Corps en mouvement

Dire que le théâtre est ma passion ne serait pas tout à fait juste.

Ce n'est pas la parole que je citerai d'abord.

Ce qui me passionne c'est l'expression de corps en mouvement et le mouvement qui est provoqué par de la musicalité et du rythme.

Mon amour pour le théâtre trouve ses origines dans ma passion pour la danse et la musique. Entendre quelqu'un jouer du piano était pour moi, petite enfant, une des choses les plus merveilleuses. Danser était pour moi de la joie pure. Je dansais tous les jours pour me faire plaisir, le plaisir de voir mon corps bouger. Je rêvais des grandes écoles de danse classique, de l'école Palucca à Dresden. Je rêvais d'exigence et de discipline pour atteindre un haut niveau en piano. Mais j'aimais vivre aussi. Jouer, plonger dans des mondes imaginaires, écrire. Tous ces éléments m'ont guidé vers le théâtre. Je dirais même que ma définition du théâtre (là où le théâtre me fait envie) se situe dans ce parcours : pour moi le théâtre, c'est des corps en mouvement, c'est du rythme et de la musicalité qui véhiculent des paroles, des propos pour nourrir un corps passif et disponible.

Aujourd'hui, je voudrais décrire ce besoin fondamental d'expression corporelle. De musique. De corps en mouvement. Peut-être je pourrais distinguer deux parties : l'expression active et le corps passif.

L'expression active

 

Dans ce paragraphe j'essaie de définir ce que veut dire pour moi : l'expression active. J'engage mon corps à se mettre en mouvement, à faire quelque chose qui m'aide à m'exprimer : voix parlée, voix chantée, corps disponible et à corps à l'écoute, plus ou moins mobile. Pour pouvoir m'exprimer, de manière plus engagée que dans le quotidien, je m'échauffe et je me rends disponible mentalement et physiquement. La disponibilité vient en libérant l'esprit et le corps de certains blocages. Je vis avec des endroits verrouillés la plupart du temps. Dans ces moments d'expression active, j'essaie de me libérer de ces verrous pour dépasser des limites liées à la pudeur, à l'immobilité, à la contraction inconsciente. Voici quelques exemples d'endroits verrouillés :

- la gorge, la mâchoire, mes cordes vocales, je les sous-utilise dans le quotidien.  Je me promène rarement entre les basses et les aiguës, entre les cris et le chuchotement, je ne fais pas beaucoup vibrer mes cordes vocales. Ma bouche s'ouvre peu en grand. Jouer avec ces parties du corps éveille et débloque des émotions retenues.

-le plexus solaire, le diaphragme, les poumons sont des parties du corps qui sont liées à la respiration, qui se contractent quand je suis stressée ou anxieuse. Pour pouvoir m'exprimer pleinement, j'ai besoin de faire vivre ces parties du corps, de les remplir d'air et de luminosité (ou d'attention). L'ouverture du plexus solaire me permet d'accepter les émotions qui me traversent. Les poumons et le diaphragme en action augmentent ma capacité d'expression vocale et corporelle. 

-le bassin, le périnée, les organes sexuelles sont arides sans mouvement. Un grand ensemble de perceptions floues. J'aime rentrer consciemment dans ces parties du corps et les remplir de vie (ou d'attention). Bouger les articulations des hanches, serrer et lâcher la musculature, tourner, s'appuyer au sol : ces mouvements font vibrer une partie très expressive liée au désir et à la vie.

-la colonne vertébrale, de la nuque jusqu'au sacrum, est la structure centrale de mon corps. En général, je n'y pense jamais. Le fait de me rendre consciente de mon axe me permet de bouger différemment. Je redécouvre à chaque prise de conscience de mon axe la sensation d'un corps plein et vivant.

Cette liste est loin d'être complète. Tout le corps et tout ce que qui nous entoure, ce qui est visible ou invisible, peut se transformer pour nous en passant du temps à les conscientiser.
Pour préparer mon corps à l'expression active je me sers de techniques que des personnes m'ont transmises : la technique Alexander en lien avec la danse, de la méditation enseignées par Antonia Pons Capo à Toulouse ou encore le travail de préparation lié à l'exercice du Laisser traverser proposé par Lise Avignon, également à Toulouse.

Le corps passif

Quand je suis en mode "réception", je prends une position d'écoute et de disponibilité. Cette position n'est pas en toute évidence passive, mais ce qui est sûr c'est que le corps se met en veille, en attente pour mieux recevoir l'action, l'information de celui qui émet. Dans un certain sens, mon corps devient passif quand je vais au théâtre, quand j'écoute un morceau de musique ou le discours d'une personne, quand je lis un livre. J'ai besoin d'un corps qui est à l'aise et détendu pour pouvoir mieux immerger dans une proposition artistique ou intellectuelle. Mon corps en veille laisse la place à un monde mental qui s'éveille pour prendre la place centrale. Grace à mon imagination, je me laisse guider sur des chemins comme un voyage, au travers d'ambiances sensorielles, d'images comme des paysages. Ici je peux vivre des émotions quasiment aussi fortes que lors des moments d'expression active. La qualité est différente, plus cérébrale et moins physique, mais elle peut avoir d'autant plus de force de persuasion. La capacité de dépasser nos limites est encore plus forte dans ce monde mental. Sans corps, je deviens capable de me projeter dans des situations qui ne correspondent pas à la réalité de mon corps ou de mon entourage. Je peux m'éloigner à l'infini de mes limites physiques.  Tout devient possible.

Mon corps est passif quand je suis spectatrice, lectrice, auditrice et quand je réfléchis à la création.

Réunir actif et passif dans la mise en scène

Le travail de la mise en scène se trouve pour moi entre ces deux notions du corps passif et de l'expression active. Pour envisager une création, je dois me projeter dans des endroits fictifs, encore inexistants. Je connecte diverses lectures pour en créer un nouveau propos. J'écris des déplacements, des actions qui deviendront de l'expression active un jour. J'imagine l'effet qu'une expression active peut avoir sur un corps passif, c'est à dire l'effet qu'un acteur peut avoir sur le spectateur. Je travaille avec le souvenir de moments d'expression active. Et puis je partage mes projections avec mon équipe artistique. Le corps passif se met à s'exprimer activement. Lui-même et en proposant à des acteurs de s'exprimer activement. En répétition mon corps devient actif, par envie de partager des moments d'expression, pour soutenir, renforcer un propos.

Les notions d'actif et de passif n’augmentent ou ne diminuent pas l'intensité des sensations que je vis en travaillant. La passion de la création est présente dans des moments de passivité comme dans l'expression active. Une création me fait penser à un chemin de vie sur lequel j'évolue en vivant intensément le doute, la frénésie, l'extase, l'incompréhension, le blocage, le flot, la mélancolie et la joie.

Extraits de Emilia Galotti de G.E. Lessing, mise en scène Michael Thalheimer, 2001.

Extrait de Café Müller de Pina Bausch, 1978.

Citations

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