Vivant
adjectif
Qui exprime avec force la vie.
L'Amour de Phèdre
J’ai lu L’Amour de Phèdre de Sarah Kane et ce texte me parle, il m’inspire pour un travail de mise en scène. Mais en soi, il me parait trop cinématographique et l’esthétique proposée ne me correspond pas tant. C’est l’essence du texte qui me touche. Il s'agit d'Hippolyte comme humain qui n’est plus capable de sentir, anéanti par la peur de souffrir.
Il est comme enveloppé dans du coton, inaccessible à toute sensation de vie. Phèdre vit dans l’exagération totale, dans le trop plein d’émotions qui la poussent au suicide. Les deux personnages sont comme des extrêmes qui font la balance pour représenter ce qui en nous est humain. Hippolyte dit en mourant à la fin d’un bain de sang ahurissant : Si seulement il avait pu y avoir plus de moments pareils…
Rater la sensation d’avoir vécu, c'est cela que me raconte cette citation. Elle laisse un fort goût de dépression. Et je me demande comment gérer notre existence dans un juste milieu ? Je comprends que les tragédies grecques nous font sentir l’essentiel de par un trop plein, une explosion :
Œdipe, Antigone, Phèdre, Electre…
C'est une façon d'approcher la création par une universalité, quelque chose qu’on partage malgré nos goûts…
Je pense que j'aimerais utiliser ces tragédies comme matériau, comme Sarah Kane l'a déjà fait. Ce serait bien. J'aimerais me servir de nos histoires fondamentales, des récits bibliques : Marie, la vierge, la mère qui reste debout malgré la douleur, le Stabat Mater dolorosa !
Le Stabat Mater m’inspire dans la composition de Vivaldi. J'ai décidé de jouer avec cette matière et, en la travaillant, je me rends compte que la matière en soi ne suffit pas. Il y a aussi mon œil, mon prisme qui transforme l’histoire pour la rendre vivante ici et maintenant. Si je veux la mettre en scène, la matière passe forcément par moi et cela crée une nouvelle pièce. Je fais des adaptations.
Ensuite j’ai lu Phèdre de Racine qui lui a lu Euripide. Il y a toujours quelqu'un qui écrit avant nous et qui définit peut-être le point de départ de notre écriture. Sarah Kane s'est inspirée de la version d'Euripide pour écrire L'Amour de Phèdre. Par dessous sa carapace provocante, sa version me paraît juste par rapport à qui elle était. Elle a amené Phèdre dans son environnement, et l'a adapté.
L'Amour de Phèdre de Sarah Kane, L'Arche, Paris, p.72.
HIPPOLYTE.
Vautours.
Il trouve le moyen de sourire.
Si seulement il avait pu y avoir plus de moments pareils.
HIPPOLYTE meurt.
Un vautour descend du ciel et commence à manger son corps.
Eja Mater dans Stabat Mater dolorsa de Vivaldi, Sara Mingardo