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Passion

nom féminin

(bas latin passio, -onis)

État affectif intense et irraisonné qui domine quelqu'un

Mouvement affectif très vif qui s'empare de quelqu'un en lui faisant prendre parti violemment pour ou contre quelque chose, quelqu'un

 

Amour considéré comme une inclination irrésistible et violente

Penchant vif et persistant

Ce qui est l'objet de ce penchant

 

Dans la philosophie scolastique et classique, ce qui est subi par quelqu'un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi, par opposition à l'action.

 

Récit hagiographique des épreuves des martyrs, dont on faisait lecture au service liturgique à l'anniversaire de leur mort.

 

Composition musicale inspirée par la passion du Christ.

 

Au XVe s., mystère représentant la passion de Jésus-Christ.

Souffrance ou amour ?

Il est étonnant de constater que le mot passion peut signifier souffrance, passivité, excitation, intensité et amour à la fois.

 

Au moment où j'ai décidé de vouloir traiter la passion dans ma création de fin d'études, j'ai pensé à la notion d'un amour passionnel, chargé d'une intensité forte. J'ai pensé au désir passionnel d'une personne, à l’obsession de Phèdre pour Hippolyte. Pour moi, cette notion implique à la fois de la passivité et de l'activité.

Il se dit généralement qu'on tombe amoureux, cela nous arrive, comme un désir fort pour quelque chose ou quelqu'un. Néanmoins, la passion peut être vécue activement par une personne. Je peux tout à fait décider d'agir inspirée par ma passion. Dans ce sens je pense à la passion créative qui nous encourage à nous exprimer. Un sujet me passionne, alors je décide de traiter ce sujet dans mon travail créatif. Pour rester constamment inspiré par la matière choisie, je dois alimenter mon feu passionnel. Je maintiens activement en vie une passion pour la faire grandir et évoluer avec elle dans mes réflexions.

Différentes conceptions du terme Passion

D'une certaine manière je me retrouve dans différentes conceptions à la fois. Des conceptions qui caractérisent la passion comme quelque chose d'actif, de concret et en opposition à cela, la passion comme idée, liée à la passivité. Il me semble que l'opposition entre actif et passif, entre joie et tristesse, entre amour et souffrance crée mon intérêt principal pour cette notion de passion. Elle reste insaisissable, complexe et contradictoire  comme mon rapport à la création et à la vie. Je vis dans ces rapports d'intensité qui sont sources de joie, de souffrance, de grande activité, de blocage ...

Spinoza - passions tristes et joyeuses

La conception de passion de Baruch Spinoza se définit comme une idée confuse, fruit de notre imaginaire et donc abstraite. Selon Spinoza le désir est la passion la plus fondamentale : le désir de persévérer, d'exister tout simplement, vivre. Ce désir vital est source de nos autres passions : tristesse, joie, haine, amour, pitié, etc.

Comme déjà évoqué dans la fiche Mama Spinoza distingue entre passions tristes et passions joyeuses. Nous vivons des passions en étant en contact avec d'autres corps et ce contact peut provoquer chez nous une passion triste, c'est-à-dire un sentiment d'incompatibilité, d'inconfort ou alors devenir source d'une passion joyeuse quand deux corps découvrent des notions communes et partageables. Cette distinction entre joie et tristesse se poursuit dans une réflexion aussi simple et éclairante à la fois: l'augmentation de notre puissance s'accompagne d'un sentiment (...) de joie, tandis que la diminution de notre puissance s'accompagne d'un sentiment de tristesse. Spinoza fait aussi la distinction entre passif et actif. Selon lui, toute passion subie par notre nature, sans avoir les clés de compréhension de soi-même, induit l'homme en une passivité qui provoque de la frustration et de la tristesse. Grace à notre capacité de raisonnement nous pouvons faire acte de courage, de générosité, d’acquiescement intérieur et comprendre les causes de nos passions C'est la détermination et la raison qui nous permettent d'organiser notre vie dans l'objectif de diminuer la tristesse et d'augmenter la joie.

Hegel - la passion comme créativité

Selon Hegel, la passion est la tendance puissante qui pousse un individu ou un peuple à unifier toutes ses énergies spirituelles et physiques pour créer une œuvre artistique, technique ou politique unique, originale et déterminante dans le cours de l'histoire : «Nous disons donc que rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont collaboré. Cet intérêt, nous l'appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.*» Cette conception décrit une force créative qui dépasse l'individualité et la réalisation de soi. Spinoza propose une idée différente pour moi : avant de pouvoir œuvrer dans le collectif, chaque individu devra apprendre à se connaître pour pouvoir éprouver des passions joyeuses avec d'autres corps, ou autrement dit le collectif. Une conception qui est aujourd'hui largement reprise dans la communication non-violente et les principes de la bienveillance.

Quignard - le besoin de tension

Pascal Quignard propose dans son ouvrage Mourir de penser une réflexion en réponse au concept freudien : La tendance dominante de la vie psychique vise la suppression de la tension d'excitation. Contrairement à cela Quignard soutient l'idée que la recherche de tension et d'excitation est une passion faisant partie intégrante de l'homme ou de l'animal. En parlant de la vie des chats (comme il aime bien le faire) il développe la pensée que ce que provoque de la tension crée une certaine attirance. Quand il y a tension, il y a pensée et il y a de la vie.

Atteindre la joie absolue, dépasser l’ignorance, créer pour le collectif, le désir comme tension, une passion qui nous constitue. Les quêtes de la passion sont multiples, peu importe si on les maitrise ou pas, je les considère comme nourriture nécessaire de la vie. Les passions sont comme un moteur et c'est à moi de l'employer et de le diriger dans une certaine direction. Je définis les passions comme un socle pour mon travail de création.

Crucifixion avec Marie et Jean d'Antonello da Messina

Le miracle Spinoza, Frédéric Lenoir, p. 146-147.

Ces "affections" (affectio, en latin) ne sont pas nécessairement négatives : elles peuvent tout autant nous nuire et nous diminuer que nous régénérer et nous faire grandir. La contemplation d'un beau paysage, par exemple, constitue une rencontre avec un corps extérieur qui nous régénère. A l'inverse, entendre une parole blessante à notre égard constitue une rencontre avec une pensée qui nous fait du mal. Chaque fois qu'une rencontre avec une idée ou un corps extérieur s'accorde avec notre nature, elle augmente notre puissance. Chaque fois au contraire qu'elle n'est pas en harmonie avec notre nature, elle diminue. Et Spinoza constate encore que l'augmentation de notre puissance s'accompagne d'un sentiment (affectus, en latin, que je traduis indifféremment ici par "affect" ou "sentiment") de  joie, tandis que la diminution de notre puissance s'accompagne d'un sentiment de tristesse.

p. 147.

L'objectif de l'éthique spinoziste consiste, dès lors, à organiser sa vie grâce à la raison pour diminuer la tristesse et augmenter la joie jusqu'à la béatitude suprême.

*La Raison dans l'histoire, Hegel, chapitre 2, § 2.

Mourir de penser de Pascal Quignard, Grasset, Paris, 2014.

p.185

Écoutez les gens qui soupirent ! Soupirer, c'est éteindre une bougie au fond de l'âme.

Freud a écrit : La tendance dominante de la vie psychique vise la suppression de la tension d'excitation. Freud use alors, sans grande raison, dans son bureau de Vienne, d'un mot sanskrit : nirvana. Extinction. Ce mot appartient au bouddhisme. Moucher la flamme. Supprimer souffrance, illusion, désir. Mais ce que Freud affirme est-il vrai ?

Je n'en suis pas sûr.

La recherche de la tension est une passion véritable elle aussi. On peut détester le plaisir, sa mort, l'inexcitabilité, la nausée où la volupté plonge le corps assouvi. On peut se faire des dieux de l’érection, de la faim, de la vigilance, du désir, de la tension extrêmes.

Citations

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