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Excès

nom masculin

(latin excessus, de excedere, excéder)

Ce qui dépasse les limites permises, convenables

Phèdre

Phèdre est le point de départ de mon travail de création. Je propose ci-dessous un moment de réflexion vocal accompagné d'images de diverses Phèdres...

Qui fait parler Phèdre ?

Racine, Ritsos ou Sénèque sont trois hommes qui ont donné la parole à Phèdre. Sarah Kane a été une des premières femmes à écrire la tragédie de la reine d'Athènes. Je me demande si cela fait une différence d'être un homme ou une femme pour écrire Phèdre? Avant tout, ces textes sont teintés de leurs époques et interrogations contemporaines. Racine et Sénèque donnent une importance aux divinités qui sont à l'origine de la passion de Phèdre. Dans la tragédie classique, Phèdre devient comme une victime des enjeux divins et des conseils de sa nourrice Oenone. Ritsos et Kane en l'occurrence se sont éloignés de cette conception d'une femme passive et en adéquation à l'époque, Phèdre est devenue entièrement responsable et active dans ses actes. Elle décide de dire à Hippolyte à quel point elle le désire et elle prend délibérément le choix de s'ôter la vie en accusant Hippolyte de viol. Pour moi, la version très poétique de Ritsos évoque des interrogations sur le sens de la vie et de la mort dans un état qui subit le règne d'un gouvernement fasciste. Kane replace L'Amour de Phèdre dans son milieu en faisant allusion à la famille royale anglaise. Sa Phèdre est passionnée par un garçon, fils unique, qui ne fait aucun effort pour plaire et qui se branle dans des chaussettes devant des jeux vidéos. L'instinct maternel est très présent, elle veut l'aider à aller mieux et avoir le mérite pour son bien-être. Les contextes sont fondamentaux pour les différentes interprétations de Phèdre, plus qu'une opposition entre les sexes je trouve.

Phèdre dans ma création

Ce qui m'interroge le plus c'est certainement qui parle et comment cette personne parle. J'étais depuis le début de mes recherches en quête d'une parole de femme. Des inspirations fortes étaient Annie Ernaux et Virginie Despentes, ce qui me mettait en conflit avec l'idée de vouloir monter une pièce dramatique. J'ai pris conscience que j'aspirais à faire entendre des paroles fortes, revendicatrices, des témoignages de femmes qui osent dire à quel point elles sont remplies d'émotions, d'instincts, de passions, de désirs ou tout simplement, de vie. Je cherchais des paroles excessives et assumées. Ma fascination pour Phèdre s'explique par cette approche. Elle est devenue aujourd'hui une femme qui représente une parole forte, qui représente la passion. Son désir pour Hippolyte devient un pilier, un point de départ pour le concert-spectacle que j'aimerais créer.

Pourquoi des paroles de femmes ?

En plus de la parole de Phèdre, je voudrais nourrir la structure du concert-spectacle avec des paroles littéraires, des témoignages personnels, des aspects du quotidien et de la poésie. J'ai choisi de donner la parole aux femmes. Pourquoi ? J'aurais pu citer des textes magnifiques d'hommes passionnels comme le jeune Werther de Goethe. Une première raison qui me vient à l'esprit est la forte prise de conscience du fait que je suis moi-même une femme. Je le sens tout le temps, je suis conditionnée à être une femme. Ce qui me plaît d'ailleurs. C'est mon apparence, mon sexe, mon prénom, ma place dans ma famille, dans la société, dans le travail qui me montrent tous les jours que je suis une femme. J'en ressens les inconvénients parfois, comme lorsque je dois faire attention à mon comportement, je ne suis pas prise au sérieux, ou lorsqu'on me regarde comme un objet au lieu d'un être humain. Mais être femme me donne aussi et surtout de la force: je m'identifie aux débats féministes, je suis une femme qui tend vers l'égalité entre les sexes, et je sens qu'un des combats qui me touche le plus est la valorisation d'attributs féminins à connotation négative tels que la sensibilité, la faiblesse, la capacité de pleurer, ou le fait de vouloir communiquer pour résoudre des conflits. Je suis une femme désirante et j'ai la volonté de partager cette force avec le monde. Je suis persuadée que ce sentiment se retrouve aussi chez la gente masculine. Certains hommes se démarquent des attributs soi-disant masculins comme l'agressivité, la force, la dominance pour proposer une nouvelle manière de voir le monde. Moi même je voudrais prendre de la distance avec les vertus dictées par un système patriarcal : la réussite, la persévérance, la vitesse... ce travail de création est aussi une manière pour moi de préciser mon positionnement dans des revendications féministes. Je me trouve dans une recherche d'égalité et de mise en valeur du désir des femmes par rapport au désir des hommes hétérosexuels. Des femmes qui désirent ne sont pas des prostituées, elles sont simplement normales. Et ce combat inclut bien d'autres inégalités : comment sont perçus des hommes qui désirent des hommes ? Des désirs lesbiens, transgenres, queers, etc... Eddy de Preto fait du rap pour défendre qu'il est complètement normal, en tant qu'homme de désirer d'autres hommes.

 


 

Sources des images :

Phèdre d'Alexandre Cabanel, 1880

Détail de Phèdre et Hyppolite de Pierre-Narcisse Guérin, 1802

Couverture de L'amour de Phèdre de Sarah Kane

L'amour de Phèdre de Sarah Kane, mise en scène Vanessa Bonnet, projet INSAS

Dominique Blanc dans Phèdre de Racine, mise en scène Patrice Chéreau

Couverture d'un recueil de pièces de Yannis Ritsos

L’attente amoureuse de Phèdre, Anzio, "Peintre de Laodamie", 350 av. J.C.

Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre de Jean Racine en 1893, photographie de Nadar.

Sarah Bernhardt dans phèdre de Racine

Phèdre et Hyppolite de Pierre-Narcisse Guérin, 1802

Rachel dans le rôle de Phèdre, Comédie Française, 1843

Phèdre de Racine, mise en scène Sterenn Guirriec à la scène conventionné de Nogent-sur-Marne

Images extraits du concert x Blier de Cabadzi.

L'excès d'amour et faiblesse du corps de Phèdre:

Phèdre de Jean Racine, 1677, Acte I, Scène III.

 

Phèdre, Oenone.

PHÈDRE.

N'allons point plus avant. Demeurons, chère Oenone.

Je ne me soutiens plus, ma force m'abandonne.

Mes yeux sont éblouis du jour que je revois,

Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi.

Hélas !

Elle s'assied.

Phèdre reste fidèle à son amour, même après une scène d'humiliation de la part d'Hippolyte :

L'amour de Phèdre de Sarah Kane, L'Arche, Arles, 1999, p.42-43.

PHÈDRE.

Tu es bien comme ton père.

HIPPOLYTE.

C'est ce qu'à dit votre fille.

Un temps, suite auquel PHÈDRE se met à le gifler de toutes ces forces.

Elle est moins passionnée que vous mais elle a plus de pratique. La technique, je marche à tous les coups.

PHÈDRE .

Tu l'as fait jouir ?

HIPPOLYTE .

Oui.

PHÈDRE ouvre la bouche pour parler. En vain.

C'est mort à présent. Regardez les choses en face. Peut pas recommencer.

PHÈDRE.

Et pourquoi ?

HIPPOLYTE.

S'agirait pas de moi. Jamais été le cas.

PHÈDRE .

Tu ne peux pas m'empêcher de t'aimer.

HIPPOLYTE.

Si.

PHÈDRE.

Non. Tu es vivant.

HIPPOLYTE.

Ouvrez les yeux.

PHÈDRE.

Tu me brûles.

HIPPOLYTE.

Maintenant que vous m'avez eu, tapez-vous quelqu'un d'autre.

Silence.

Le langage poétique et sensuel de Yannis Ritsos :

Phèdre de Yannis Ritsos, ... p. 62.

Je me rapelle ta surprise enfantine quand tu la perdis, ta culpabilité, ta colère

- comme tes yeux étincelaient, comme le sang colorait tes joues - un sang que je voyais courir sous ta peau blanche, remonter de tes jambes vers ta poitrine, se bloquer aux genoux, repartir en sens inverse vers ton ventre, tes cuisses, tes bras, jusqu'au cou, gonfler et empourprer tes mamelons, tes lèvres - comme si tout ton corps eût été en érection -

Normal de Eddy de Preto

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Citations

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