Obsession
nom féminin
(latin obsessio)
Idée répétitive et menaçante, s'imposant de façon incoercible à la conscience du sujet, bien que celui-ci en reconnaisse le caractère irrationnel.
Passion Simple
La découverte de Passion Simple d'Annie Ernaux était pour moi un déclencheur pour ce travail sur la passion et le désir. J'ai eu le plaisir d'entendre ce texte une première fois dans la mise en scène d’Émilie Charriot à Vidy Lausanne. Le récit autobiographique est honnête et distant à la fois. J'ai compris qu'il était possible de parler de choses très intimes sans donner l'impression d'un exhibitionnisme désagréable ou déplacé. L'écriture d'Annie Ernaux m'a saisie par sa simplicité. Elle parvient à décrire des événements de sa vie sans tomber dans le maniérisme, dans le pathos ou le flou. Tout reste extrêmement saisissable, presque cru. C'est d'autant plus fort quand elle parle de son obsession pour un homme. Elle même questionne son style d'écriture dans son récit : Tout ce temps, j'ai eu l'impression de vivre ma passion sur le mode romanesque, mais je ne sais pas, maintenant, sur quel mode je l'écris, si c'est celui du témoignage, voire de la confidence telle qu'elle se pratique dans les journaux féminins, celui du manifeste ou du procès verbal, ou même du commentaire de texte. (p.30-31) Peut-être ce sont exactement ces moments de recul et d'analyse qui nous font vivre une expérience de lecture particulière : je bascule entre identification, je plonge dans des scènes et je les vis comme une fiction ou alors je suis la pensée de l'écrivaine qui réfléchit, comme à voix haute.
Je découvre dans Passion Simple une description d'une passion amoureuse que je n'avais jamais pu lire dans un livre ou voir dans un film. Elle parvient à mettre des mots sur des expériences fondamentales en matière d'amour et de désir. La citation sur la droite pourrait venir de moi-même adolescente, sauf qu'il fallait remplacer la chanson de Sylvie Vartan par Creep de Radiohead ou La Ritournelle de Sébastien Tellier. Combien de fois j'ai écouté ces chansons en long et en large parce qu'elles exprimaient pour moi mon cri de désir. Ou alors je retrouve la familiarité avec la notion du temps qui se transforme sous l'emprise d'une obsession amoureuse : Je calculais toujours "il y a deux semaines, cinq semaines, qu'il est parti", et "l'année dernière, à cette date, j'étais là, je faisais ça" (p.58). Ce qui m'a le plus surpris est le fait que je sois d'abord gênée par autant de précisions et d’honnêteté. Ce texte m'a montré à quel point je n'avais pas osé jusqu'à présent avouer ma capacité de désirer à ce point, de vivre une obsession. Moi, qui a un rapport plutôt ouvert avec la sexualité et le désir, qui aime parler de ces sujets, je me retrouvais prise par un sentiment de honte. Le fait d'avoir entendu ce texte dans un spectacle au lieu de l'avoir lu seule dans mon lit à surement contribué à cette sensation. Finalement, c'est cette même sensation de honte qui me pousse à exprimer maintenant dans ces fragments ce qui me tourmente. Annie Ernaux et Emilie Charriot m'ont dévoilés des frontières, jusqu'alors invisibles. Je me suis rendue compte que certaines choses ne se disaient pas encore, même s'il y a, soi disant, de moins en moins de tabous.
Passion Simple d'Annie Ernaux, Folio, Gallimard, 1991.
p.32
Quant à l'origine de ma passion, je n'ai pas l'intention de la chercher dans mon histoire lointaine, celle que me ferait reconstituer un psychanalyste, ou récente, ni dans les modèles culturels du sentiment qui m'ont influencée depuis l'enfance (Autant en emporte le vent, Phèdre ou les chansons de Piaf sont aussi décisifs que le complexe d'Oedipe). Je ne veux pas expliquer ma passion - cela reviendrait à la considérer comme une erreur ou un désordre dont il faut se justifier - mais simplement l'exposer.
La vie en rose d'Edith Piaf
Passion Simple, Annie Ernaux, cf.
p.27
Durant cette période, je n'ai pas écouté une seule fois de la musique classique, je préférais les chansons. Les plus sentimentales, auxquelles je ne prêtais aucune attention avant, me bouleversaient. Elles exprimaient sans détour ni distance l'absolu de la passion et aussi son universalité. En entendant Sylvie Vartan chanter alors "c'est fatal, animal", j'étais sûre de ne pas être la seule à éprouver cela. Ces chansons accompagnaient et légitimaient ce que j'étais en train de vivre.
C'est fatal de Sylvie Vartan
La vie en rose d'Edith Piaf
Creep de Radiohead