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Passion

nom féminin

(bas latin passio, -onis)

État affectif intense et irraisonné qui domine quelqu'un

Mouvement affectif très vif qui s'empare de quelqu'un en lui faisant prendre parti violemment pour ou contre quelque chose, quelqu'un

 

Amour considéré comme une inclination irrésistible et violente

Penchant vif et persistant

Ce qui est l'objet de ce penchant

 

Dans la philosophie scolastique et classique, ce qui est subi par quelqu'un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi, par opposition à l'action.

 

Récit hagiographique des épreuves des martyrs, dont on faisait lecture au service liturgique à l'anniversaire de leur mort.

 

Composition musicale inspirée par la passion du Christ.

 

Au XVe s., mystère représentant la passion de Jésus-Christ.

L'effet de distanciation

Comment puis-je parler de mes passions ? Comment est-ce possible de transmettre à l'autre ce que me provoquent les passions ?

Je cherche parmi le pathos, l’hystérie et la distance.

La fiche Hystéria dans l'onglet Partage expose une des possibilités pour s'adresser à un public en assumant la volonté de l'affecter ou de l'hystériser. Artaud par exemple a essayé de produire des expériences fortes avec des sons aiguës et bizarres, avec une voix pénétrante qui scande des textes comme un manifeste. Je pourrais alors essayer de faire monter des sensations fortes chez les spectateurs en exposant des images sensuelles, en mettant de la musique qui fait pleurer, en créant des motifs répétitifs jusqu'aux limites du supportable.

Une autre façon pour exprimer la passion, joyeuse ou triste, est de décrire ce qu'elle provoque chez soi. Je prends l'exemple d'une fiche, Climax (dans Sexualité), dans laquelle j'essaie de décrire les effets produits par une rencontre amoureuse, une attirance envers un autre corps. Cette description de sensations intimes sous forme de chanson et probablement une grande partie de mon vécu parait codé, inatteignable dans ce texte. J'ai fait exprès de ne pas tout expliquer et de garder de la poésie pour permettre à chacun d'y projeter son propre vécu. Si cela marche pour le lecteur ou l'auditeur restera une autre question.

Je me demande maintenant comment je pourrais raconter cette même rencontre amoureuse de manière plus directe et assumée. Est-ce que je pourrais exposer la situation sans tomber dans un pathos ? Je pourrais aussi assumer le pathos directement, mais je préfère que le pathos me suive indirectement, je cherche à l'éviter. Il me tombera de toute façon dessus, dans un laps de temps plus ou moins proche. Je décide donc de raconter le souvenir d'une passion et je voudrais m'approcher du savoir-faire d'Annie Ernaux. Son style permet de créer la distance nécessaire entre elle et son récit tout en parlant de choses très personnelles. Sans psychologiser, sans analyser, elle parvient à se raconter comme dans une sorte de témoignage objectif. J'ai l'impression qu'elle met ainsi en marche un effet de distanciation comme celui de Brecht, mais dans l'écriture en prose. Cette distance nous permet de relier le récit à notre propre vécu pour en tirer nos conclusions, pour se laisser émouvoir par notre propre vision du monde.

Voici un premier essai d'écriture de la même rencontre évoquée dans la fiche Climax en style explicite, succinct à la façon d'Annie Ernaux :

Un été, j'ai rencontré G. pendant mon voyage en Gaspésie. Un regard me suffisait pour attirer toute mon attention sur ce corps d'homme. Quelques heures passées ensemble inscrivaient en moi la présence de G. dans ma vie comme une évidence. Sans fausse pudeur je partageais avec lui ma joie de notre rencontre. Je cherchais le contact de son corps qui m'attirait comme un aimant. En son absence je rêvais de lui et j'aspirais vers une chose : continuer de tisser notre relation et faire rencontrer nos corps. J'écrivais à mes amis et ma famille et contrairement à ma discrétion habituelle, j’annonçais librement avoir fait une rencontre avec un homme très sympathique. Il était attentionné et doux à mon égard tout en restant discret. Je sentais son attirance vis à vis de moi de manière intuitive et je décidais de suivre le langage de nos corps. Nos genoux se touchaient sous la table, nos mains aussi. Pendant la vaisselle, je prenais l'initiative et je lui proposais une promenade. Il faisait nuit et une grande lune éclairait l'océan, nous étions au bord d'un précipice quand je lui ouvrais mon cœur, quand nos corps se rencontraient enfin.

Pour en finir avec le jugement de Dieu, Antonin Artaud, Studios de la Radio francaise, 1947.

Citations

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