Obsession
nom féminin
(latin obsessio)
Idée répétitive et menaçante, s'imposant de façon incoercible à la conscience du sujet, bien que celui-ci en reconnaisse le caractère irrationnel.
I LOVE DICK
Scènes d'une vie conjugale.
Une obsession irrationnelle peut engendrer des réflexions brillantes.
La série I LOVE DICK, inspirée du livre autofictionnel au même titre de Chris Kraus, parle d'une femme qui découvre son obsession et qui décide de la vivre ouvertement. Son désir devient le moteur pour transformer non seulement sa sexualité et celle de son couple, mais aussi la vie tranquille d'un village perdu au Texas. L'expression d'une vie intime peut engendrer du changement, de l'ouverture et peut également détruire des constructions de vie.
I LOVE DICK traite des questions semblables à celles soulevées dans Passion Simple d'Annie Ernaux. Les deux exemples montrent comment assumer pleinement un désir sexuel, une attirance vers une personne tout en déployant une force qui dépasse l'image d'une sexualité féminine cadrée par le regard d'une société machiste.
Le choix est de montrer la réalité du désir, une réalité tout à fait individuelle qui ne correspond pas forcément à l'imagerie canonique d'une femme désirante. Oui, elle peut soupirer, elle peut aimer le romantisme, les caresses et la douceur, mais elle a aussi milles autres visages.
Chris Kraus parle bien d'un désir qui la transforme en monstre. Lorsqu'un désir devient passionnel, voir obsessionnel, il développe un pouvoir de transformation important.
Je pense à des expressions comme "être mordu", "être dévoré par le désir", "fondre dans la main de quelqu'un", "exploser", ...
Je pense aussi à l'animalité qui fait allusion à la bestialité, voir la monstruosité. Ne plus savoir se contenir dans le moule des comportements habituels d'une société peut nous donner une apparence animale.
CRIER / HURLER / MORDRE / GRATTER / FROTTER
Comme Chris Kraus, je me demande comment cette intensité provenant d'un désir obsessionnel peut devenir le moteur d'une créativité. Désirer nous fait vivre, plus de désir engendre aussi plus de sensation dans la vie. Pourquoi pas assumer l'intensité sidérante de nos émotions ? Faut-il toujours tout comprendre et analyser ?
J'aimerais profiter, me soûler dans l'ivresse de l'amour, m'effondrer de mélancolie pour mieux pouvoir me relever à la suite, profiter d'une vague d'inspiration et d'une sensation de bonheur. Vivre pleinement mes cycles.
L'intensification de la réalité
Joan Hawkins note dans Theoretical Fictions que Chris Kraus transforme un fait réel en une fiction plus intense que la réalité.
Selon Félix Guattari l'expérience vécue n'est pas simplement une accumulation de qualités sensibles, mais une intensification par le fait que le vécu est devient un matériau puissant. John Hawkins parle de simulacre de la passion et Deleuze de l'idée d'une re-matérialisation de l'expérience. L'intensification permet de vivre une expérience constituante, qui transforme, qui nous fait réfléchir, changer de point de vue. Peu importe si une grande partie de l'expérience repose sur un pouvoir fictionnel ou la force de notre imaginaire. Au contraire, ne pouvons-nous pas considérer le pouvoir de l'imagination comme une force absolue ?
C'est grâce à notre pouvoir d'imagination que nous pouvons croire, croire en un état, une société, un Dieu...
Je tisse un lien avec le théâtre qui peut avant tout être un moyen d'imaginer, d'intensifier, de créer de l'expérience.
I LOVE DICK est une série réalisée par Sarah Gubbins et Jill Soloway. Le scénario est inspiré du livre de Chris Kraus portant le même titre.
Chris Kraus, une jeune femme, raconte son amour à sens unique pour un critique d'art prénommé Dick. Entre obsession, désir féminin elle s'éloigne de son mari Sylvère et comprend que tout n'était que prétexte à la méditation et à la réflexion sur la place des femmes dans le couple et dans le monde.
La série consiste en une saison avec 8 épisodes qui durent 30 minutes.
Desdenosa de Lhasa
Citation de l'épisode 3, 13ème minute :
FEMALE MONSTER
Libérez la bête de Casey
Citation de l'épisode 6, 3ème minute :
THIS IS NOT A LOVE LETTER
THIS IS A MANIFESTO
Theorectical Fictions, une postface de Joan Hawkins dans I LOVE DICK de Chris Kraus :
What is clear is that “the real” is not exactly what interests Chris. “The game is real,” she tells Dick in her first letter, “or even better than, reality, and better than is what it’s all about”. Sylvère thinks Chris’ evocation of the hyper-real here is “too literary, too Baudrillardian.” But Chris insists. “Better than,” she writes, “means stepping out into complete intensity”. And it’s that intensity which Chris craves.
“Lived experience,” Félix Guattari writes in Chaosophy, “does not mean sensible qualities. It means intensification”. And while Kraus doesn’t quote Guattari until late in the text, his presence is already felt in the first letter.
In fact, what’s interesting is Chris’ idea that you can somehow use Baudrillard’s notion of the hyper- real, the simulacrum, to get to Deleuze and Guattari’s notion of intensification. And that perhaps is the theoretical drive behind the entire project, as the letters and the simulacrum of a passion which receives little encouragement emerge as the truest and best way outside the virtual gridlock and into Deleuzian rematerialization of experience.