Excès
nom masculin
(latin excessus, de excedere, excéder)
Ce qui dépasse les limites permises, convenables
Ma grande culpabilité
Pourquoi je produis un excès de culpabilité et non pas d'amour ?
J'aimerais pouvoir aller de l'avant. Aller en avant avec toute la confiance et l'amour propre que je peux trouver en moi pour construire et bâtir ma vie et mes projets. Ce serait comme prendre un voilier en plein vent. Le vent nous projetterai, mon voilier et moi, nous prendrions de l'envol, mon corps et moi.
J'aimerais que plus aucun frein ne puisse me retenir. Plus aucun doute. Plus aucun jugement. Laisser derrière moi ces poids pour créer de la place au vide, aux rêves, à l'amour.
J'aimerais me contenter de ce que je peux créer ici et maintenant sans me dire qu'il faudrait... qu'il faudrait... J'aimerais dépasser les regrets et les comparaisons.
J'aimerais comprendre pourquoi j'alimente toute cette culpabilité pour tout et n'importe quoi.
Aujourd'hui, je suis coupable.
Je me suis déclarée coupable.
Je suis mon propre bourreau
et ma propre victime.
J'ai pitié de moi-même
obnubilée par mon sort
jetée à mes propres pieds.
J'ai n'ai plus d'excuses, plus rien.
Je me regarde droit dans les yeux.
Et la question : que faire de ma responsabilité ?
Je veux prendre soin de moi
m'aimer, me caresser, me faire jouir
me prendre en main, amoureusement.
Mais
aujourd'hui je suis encore coupable.
Je me suis déclarée coupable de :
vouloir être aimée
m'aimer
vouloir réaliser mes rêves
juste prendre du plaisir
me comparer aux autres
vouloir être meilleure.
Et je me vois coupable aussi parce que...
je juge les autres
je veux savoir mieux que d'autres
je me trouve plus intelligente que d'autres
je prends du plaisir à être meilleure que d'autres
je ne me préoccupe pas assez du destin des autres
car je suis égoïste.
Je suis humaine.
Je veux de l'amour.
Je cherche à couvrir mon besoin insatiable
d'être aimée.
J'ai tellement faim que j'en souffre
que je me mets à bouffer mon estime de moi.
J'ai trop faim.
Beaucoup trop faim.
C'est la famine partout.
Tellement d'affamés
M'entourent.
Je nomme ici des besoins fondamentaux. Je les écris publiquement malgré le fait que certaines choses comme ces besoins fondamentaux ne s’expriment habituellement pas en public. Peu de gens osent dire qu'ils souhaitent simplement être aimés, à part les enfants ou les personnes qui ne saisissent pas les codes de notre société. Creuser son sujet de création est pour moi un moment qui me rapproche de mes besoins fondamentaux. Mon besoin d'amour. Pourquoi est-ce que je veux créer ? Je veux toucher les gens, je veux qu'ils soient touchés par ce que je leur propose et en retour j'aimerais recevoir de la reconnaissance. Tout simplement. Et tout de même cela reste un sujet sensible : je ne peux pas attendre des autres de m'aimer pour un travail que je fais. Je peux en recevoir avec joie si cela se produit, mais cela ne sert à priori à rien de se fâcher si cela n'arrive pas. Je pense qu'il s'agit ici d'une de mes plus grandes fragilités. J'ose montrer une faille, mon besoin d'amour et de reconnaissance. Soit ça passe, soit ça casse. Soit les gens répondent positivement, soit ils ne répondent pas.
Pour ma part, l'acte de création est aussi un acte d’honnêteté. Plus je veux creuser un sujet, dans ce cas de figure, de passion et de désir, plus je me rapproche de moi-même et mon intimité. Créer pour une cause, dénoncer des problématiques dans la société, parler politique, oui, tout cela peut être une raison pour créer. J'éprouve à chaque fois la même sensation : je commence à me préoccuper d'un sujet que je défends à pleines dents, je crois en lui, comme je crois que parler de passion est nécessaire aujourd'hui. En allant plus loin dans mes recherches je rencontre toujours mes propres failles, mes doutes et mes besoins fondamentaux. J'ai décidé de les nommer ici dans ce mémoire qui parle de mon processus de création. Cette phase de fragilité est fortement présente et importante pour mon travail. La citation d'Alexandre Jollien reflète bien mes interrogations :
Il me semble si je veux atteindre une véritable ouverture sur l’existence dans mon travail de création j'ai besoin d'aller à la rencontre de mes faiblesses.
La Confession de Lhasa dans l'album The Living Road, 2003.
Eloge de la faiblesse de Alexandre Jollien.
Être vrai, me dépouiller des masques, oser l’abandon plutôt que la lutte, voilà qui me guide dans le périple de l’existence, où jamais nous ne pouvons nous installer.
Phèdre de Yannis Ritsos, p. 71.
En quoi, vraiment, sommes-nous responsables de tout cela ? Qui l'a voulu ainsi ?
Pas nous, en tout cas. Mon Dieu, ces nuits, ces jours : insupportables. Le matin, sitôt réveillés (plus fatigués qu'avant le sommeil), notre premier mouvement, avant même de nous laver, de boire notre café, est d'étendre la main pour prendre notre masque sur la commode et nous l'appliquer, comme coupables, sur notre visage,...
Le métier d'homme de Alexandre Jollien.
Partir à la rencontre du faible pour forger un état d’esprit capable d’assumer la totalité de l’existence.