Temps
nom masculin
(latin tempus)
Notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements
Mouvement ininterrompu par lequel le présent devient le passé, considéré souvent comme une force agissant sur le monde, sur les êtres
Cycles de femmes
Je me fais confiance.
J’avance avec plein d’idées que je voudrais partager.
Puis je m’effondre.
Je doute.
Remplie de remords.
Je m’en veux d’être moins bien que d’autres.
Où est ma joie de vivre ?
Puis, je réalise.
J’accepte.
Puis ça coule.
Et je suis à nouveau emplie de créativité, de force de vivre et d’envie.
Je me fais confiance.
J’avance avec plein d’idées que je voudrais partager.
Puis je m’effondre.
Je doute.
…
Mon cycle de femme.
La seule chose à faire c’est de faire avec. Et plus de ça, j’ai décidé de faire de cette fragilité une force. De l’assumer pleinement comme une partie de moi qui m’appartient entièrement. J’ai décidé d’intégrer ce sujet qui est très important pour moi, dans mes thématiques de création. C’est quand-même curieux d’observer ainsi son corps, de s’en sentir dépossédée et toujours se faire surprendre par les mêmes mécanismes. Cet effet de surprise, de redécouverte me paraît familier dans d’autres circonstances. L’amour, l’Histoire de l’Humanité, l’héritage, l’éducation… partout nous nous cognons pour ensuite nous relever, oublier, pour se cogner à nouveau.
Cycles mensuels oui, mais cycles de vie aussi. Je suis femme, j’étais enfant, j’étais adolescente, je suis fille, je suis amante et amie, je serai mère peut-être, je serai vieille peut-être. En parcourant ma vie de femme, je vis ces cycles moi-même mais j’observe surtout ceux des autres femmes. Les femmes âgées me touchent tellement car je projette sur elles mes peurs et mes envies. Comment serai-je quand je serai vieille comme elle. Seule ? Remplie d’expériences ? Repue ? Fatiguée ? Amère ? Lasse de vivre ?
J’ai parlé de mes préoccupations à Liliane Giraudon et elle m’a gentiment répondu. Je lui ai demandé des conseils de lecture pour pouvoir avancer dans mes réflexions, imaginer un passage vers la mise en scène. Au lieu de me faire une bibliographie scientifique, Liliane m’a partagé ses propres réflexions au travers d’images et de textes. Ce sont surtout des poésies qui l’animent. A la première lecture des poésies, j’étais étonnée car cela ne me faisait rien. Pourtant j’avais beaucoup apprécié l’échange avec Liliane. Je sentais des ouvertures possibles. Et là ces livres ne me révélaient pas leur secret. Maintenant en écrivant, je reprends un livre avec les poésies d’Emily Dickinson. Je commence à lire et chaque poème me paraît chargé de toutes les interrogations que je viens d’évoquer dans la colonne droite…
L'exclu de Casey
Dessin par Liliane Giraudon
Extrait de Car l'adieu, c'est la nuit de Emily Dickinson, Gallimard, Paris, 2007, p.101-103.
Ce n’était pas la Mort, car j’étais debout
Et que tous les Morts, gisent –
Ce n’était pas la Nuit, car toutes les Cloches
Langue dardée, sonnaient Midi.
Ce n’était pas le Gel, car sur ma Chair
Je sentais ramper – des Siroccos –
Ni le Feu – car le seul marbre de mes pieds
Eût gardé frais, un Sanctuaire –
Pourtant, j’éprouvais tout cela ensemble,
Les Formes que j’ai vues
Apprêtées, pour l’Enterrement,
Me rappelaient la mienne –
Comme si pour l’adapter à un cadre,
On eût rogné ma vie,
Et qu’elle ne pût respirer sans clé,
On aurait dit Minuit –
Quand tout ce qui tictaque – stoppe –
Et que partout – bée l’espace –
Ou que l’Affreux gel – aux matins d’Automne,
Abolit le Sol Palpitant –
Mais, surtout le Chaos – Sans bornes – froid –
Sans une Chance, ou un espar –
Ni même l’Annonce d’une Terre –
Pour justifier – le Désespoir.
En écrivant, les paroles de Casey me sont venues à l'esprit :
Alors je cogne et on me cogne, je cogne et on me cogne
Je suis constamment en colère, en furie, en rogne